L’essentiel des modes d’actions que nous utilisons sont ceux qui conviennent au gouvernement. Canaliser la colère de millions de gens qui ne souhaitent pas travailler deux ans de plus en les faisant marcher et chanter des heures sur un tracés convenu : parfait. Stopper les trains quand nos gouvernants et leurs proches se déplacent en avion et cortèges auto : parfait. Faire grève dans les écoles où ne vont pas leurs enfants : parfait.

Nous faisons ce que, depuis le XIXe siècle, les syndicats et nous-mêmes avons appris à faire. Et refaire. Et refaire jusqu’au pourrissement, même quand manifestement ça ne marche plus. Nous sommes une armée superbe de plusieurs millions de personnes prêtes à lutter. Nous sommes un contingent magnifique qui, d’après les chiffres de la police, a réalisé le 7 mars la plus grosse journée nationale de manifestation contre le pouvoir de toute l’histoire de France. Pourtant, le gouvernement s’en moque. Pourtant, nous avons réussi à perdre tous les grands conflits sociaux depuis plus de quinze ans.

Ce n’est pas le nombre qui nous manque, alors il est temps de nous interroger sur la stratégie. Il y a un tournant créatif et stimulant pris localement par plusieurs groupes syndicaux et militants avec, par exemple, les récentes coupures de courants. Mais cela reste encore trop rare et symbolique. Il est temps d’aller là où cela dérangera le gouvernement et les forces qui le soutiennent dans son projet pour les retraites. C’est quand les gilets jaunes ont fait cela qu’ils ont obtenu quelques victoires.

Sans commettre de délit, il est temps d’aller, par notre seule présence et notre seul bruit, souiller par centaines de milliers la sérénité des petites et moyennes rues du 8e arrondissement de Paris. De mendier pour les caisses de grève à la sortie du siège Parisien de McKinsey et des boutiques de luxe. De déambuler dans les rues où résident nos ministres et députés. D’y installer nos tréteaux, occuper les lieux et prendre toutes les initiatives qui pourraient perturber leurs vies comme les nôtres seront perturbées des années par leurs décisions.