Chute de la droite, danger RN, enjeux à gauche
Notes stratégiques sur d’éventuelles législatives anticipées
[16/10/2025] Chez Mobilisations.org, une nouvelle matrice de projection d’élections législatives est en conception, plus souple et fine encore que la précédente, qui nous avait valu des projections par circonscriptions très précises (illustrations ci-dessous). Le travail est en cours et, en tout état de cause, il serait trop tôt pour lancer des affirmations sans connaître les prochaines décisions stratégiques des acteurs politiques (dissolution ou non, types d’accords à gauche, stratégie de LR, etc.). On peut cependant esquisser, dans les lignes qui suivent, plusieurs observations importantes.
Par Alessio Motta
La première observation est qu'évidemment, le bloc de centre-droit devrait s’affaisser fortement. Une dissolution entrainerait une assemblée opposant principalement gauche et extrême droite. Il reste cependant très plausible qu’aucun des deux blocs n’ait de majorité absolue.
La deuxième remarque est que, même si un arbitrage au centre reste plausible, il y a aussi un grand danger de majorité absolue de l’extrême droite. Pas spécialement parce qu’elle se serait renforcée électoralement depuis 2024 (ce qui reste à démontrer), pas seulement à cause d’un barrage qui s’affaiblirait, mais en raison de l’affaiblissement du bloc centre-droit que nous avons mentionné plus haut. A moins d’accords bien menés entre les macronistes et le reste du centre et de la droite, le risque est le suivant : plusieurs dizaines de circonscriptions fortement ancrées à droite pourraient se trouver... avec la droite absente du second tour. Plus particulièrement, des circonscriptions dans lesquelles la droite, si elle se qualifie, peut conserver la place grâce au barrage des électeurs de gauche, mais dans lesquelles un second tour gauche vs. extrême droite entrainerait une bascule à l’extrême droite. On en sera réduit à se demander si, dans certaines circonscriptions, ce n’est pas dès le premier tour qu’il faudra envisager une forme de désistement républicain… En cas de dissolution, nous serons bien évidemment en mesure de bâtir pour les acteurs concernés une liste détaillée des circonscriptions où l’enjeu est tel.
Une troisième remarque, pour finir, les enjeux des stratégies d’union-désunion à gauche sont lourds. Et même en tenant compte de la stigmatisation de LFI dans les opinions publiques, il n’est absolument pas évident que l’« union sans LFI » soit la bonne stratégie. La division à gauche aura inévitablement des effets pervers sur les qualifications. Si elle a lieu partout, elle affaiblira la gauche et renforcera le risque de victoire de l'extrême droite. Même à défauts de Front populaire, il paraît indispensable que l’ensemble de la gauche trouve au minimum un accord technique d’alliance et/ou de non concurrence à géométrie variable dans des dizaines de circonscriptions stratégiques (ici aussi, nous nous tenons à disposition des acteurs concernés pour bâtir les données détaillées). Un tel accord assurerait à la gauche de se maintenir et, très probablement, de gagner plusieurs dizaines de sièges. Sur la base des rapports de force nationaux actuellement décrits par les sondages, des accords bien ciblés permettraient à la gauche d’approcher les 250 sièges. L’enjeu est lourd pour la gauche en général, il l’est particulièrement pour les insoumis qui, en cas d’union généralisée de la gauche sans LFI, perdraient environ la moitié de leurs sièges à l’Assemblée nationale, sur des ressorts très différents (élimination au premier tour, défaite dans un second tour gauche vs. gauche… cf. en illustration ci-dessous une liste de députés LFI en grand danger si l’union se fait sans eux).
Heureusement, la tendance sur le terrain n’est pas toujours à la rupture. Dans de nombreuses circonscriptions, comme celle de Saint-Nazaire que je connais très bien, les forces de gauche travaillent régulièrement main dans la main et on voit difficilement les militants et militantes LFI ou écologistes décider du jour au lendemain de sacrifier leur travail commun et risquer le siège. Gageons qu’en cas de dissolution. Les leaders nationaux auront la même intelligence et que ni LFI, ni le PS ne se résoudront à partir en conflit total.