Réforme des retraites
Pourquoi la violence est hélas devenue la clé de la réussite du mouvement social

[24/03/2023]

On explique souvent l’échec ou la réussite d’un mouvement social par des causes structurelles. Mais cela tient parfois aussi à des détails, des contingences, des stratégies ou personnalités individuelles. Pourquoi le président Macron semble ne céder devant rien sauf, quelques fois, devant la violence, comme avec les Gilets jaunes ou en Corse ? Cette forme d’inconscience ne lui est pas propre. Elle vient du milieu des années 2000.

Le tournant à lieu en 2007, un an après la dernière grande victoire d’un mouvement social national, contre le CPE. Jacques Chirac faisait partie d’une ancienne génération de politiciens, qui avaient connu la décolonisation, les coups d’Etats, l’agitation politique des années 1950-1970. Bref, qui étaient pleinement conscients qu’un grand mouvement qui donnait des signes de violence pouvait rapidement mener à une situation totalement incontrôlée.

 

En 2007, c’est une nouvelle génération de chefs qui prend le relais. Jeunes, ils n’ont pas connu tous ces événements. La thèse de la fin de l’histoire exerce une forte influence sur eux et ils sont persuadés qu’au fond, il n’y aura pas de situation incontrôlable. Le principal bouleversement de l’histoire connu par Nicolas Sarkozy, auquel il aimait se référer, est la chute du mur de Berlin, qui s’est déroulée sans heurts, avec une quasi-autorisation du pouvoir Est-allemand.

 

La leçon de la RDA semble être la seule que Nicolas Sarkozy et ses successeurs ont retenue : les manifestants ont renversé le régime parce que le régime avait faibli, laissé faire, abandonné la répression. Pour ne pas reproduire cela, ils ont encouragé la répression des mouvements sociaux et ont donné aux force de police une autonomie sur laquelle il est devenu de plus en plus dur de revenir.

 

Ils ont fait ce qu’il fallait, en somme, pour renforcer leur certitude qu’aucune situation sociale incontrôlable ne pourrait plus avoir lieu. Ils ont appris à ne céder que quand certains élus, comme pendant les gilets jaunes, commençaient à avoir peur pour leur propre peau. Puis de plus en plus de militants ont commencé à réaliser sous la présidence de Macron que la violence était devenue la seule façon d’agir efficace. Le président s’en est rendu compte et semble avoir convenu que ne plus céder du tout était un impératif d’honneur… toujours et encore parce qu’il ne réalise pas qu’une situation peut devenir réellement incontrôlable au niveau national.

 

Si demain, l’approche répressive et le pourrissement fonctionnent et parviennent à éteindre le mouvement, le président aura gagné son pari. Mais si les violences se renforcent et deviennent très coûteuse pour le pays, il aura doublement perdu :

- Tout d'abord, il devra céder sur la réforme.

- Mais surtout, il aura forcé les politiciens d’aujourd’hui à réapprendre, pour plusieurs décennies ce que la génération précédente savait déjà : il ne faut pas attendre l’explosion pour écouter la rue.

On serait porté à penser que l’option la plus sage pour le président reste l’entre-deux : reculer maintenant, avant que les choses n’aillent plus loin…