La capture quadrillée

Notre approche transparente du comptage des manifestants

Les derniers comptages

[07/03/2023]

Nantes, manifestation contre la réforme des retraites du 7 mars 2023 : 30 000 manifestants.
Les captures, le fichier de comptage, les vidéos, l'article de Ouest France.

La méthode

[08/02/2023]

Février 2023. Pendant qu’un cabinet privé se démène avec des outils high tech mal maîtrisés, pendant que syndicats et police continuent à compter sur les méthodes traditionnelles (avec un avantage pour la police), chez Mobilisations.org, nous bâtissons une nouvelle approche du comptage des manifestants, totalement transparente.

En matière de comptage, deux techniques s’opposent jusqu’ici. La première, temporelle, est utilisée notamment par les syndicats, la police et le cabinet Occurrence. Elle consiste à compter à l’œil ou à l'aide d'une IA les flux franchissant une ligne imaginaire. L’un des principaux inconvénients de cette méthode est sa difficulté à faire face aux moments où la foule est très dense. Par ailleurs, elle a jusqu’ici été utilisée avec un manque de transparence qui suscite de nombreuses méfiances. La seconde technique, spatiale, est permise par des outils comme mapchecking. Elle consiste à mesurer l’étendue d’une foule immobile et en évaluer la densité. Potentiellement plus précise, elle est difficile à mettre en pratique sans photos aériennes très détaillées du rassemblement.

 

Nous avons décidé de fusionner les deux méthodes dans une approche offrant un comptage fiable et, surtout, fidèle à notre esprit de transparence : nous mettons à disposition les outils permettant de vérifier la justesse de notre évaluation.


La préparation

 

Le premier essai a été réalisé sur la manifestation contre la réforme des retraites du 7 février 2023 à Nantes, dont tous les observateurs (police, syndicats, presse) ont noté qu’elle avait été nettement moins importante que celles des deux semaines précédentes. Nous avons choisi comme point de vue l’Hôtel du Château, en tout début de parcours, pour limiter les pertes liées au fait qu’une partie des manifestants quitte assez vite la manifestation après le rassemblement initial. Depuis une chambre située au troisième étage, notre caméraman a fixé son objectif vers un lieu de passage de la manifestation.

Pour préparer le comptage, nous avons modélisé une grille 3d (format glb) de 20 cases à incruster dans la vidéo “sur la tête” des manifestants. Nous avons utilisé les repères disponibles sur les photos aériennes de Google maps pour nous assurer que la perspective était respectée, autrement dit, que chacune des cases de la grille correspondait à la même surface au sol.

La manifestation démarre


Au fil de l'avancée des manifestants, nous relevons des “unités-grille”, qui correspondent à chaque moment où le cortège avance d’une longueur égale à celle de la grille. Nous nous appuyons à chaque fois sur les repères fournis par trois manifestants ou manifestantes ayant une caractéristique facile à retrouver (couleur du vêtement, drapeau, etc.). Tout le monde n’avance pas à la même vitesse, ce qui implique parfois de s’y reprendre à deux fois, et nous en tenons compte dans nos résultats (cf. plus bas). Mais sur la manifestation observée depuis ce point du parcours et dans l'essentiel des autres cas, il existe bien à chaque fois un rythme dominant suivi par une très large majorité des participants.

Pour chaque unité-grille, nous faisons une capture d’écran. Puis sur chaque capture, nous faisons un comptage manuel détaillé du nombre de têtes présentes, sur des cases choisies aléatoirement par notre fichier de comptage (cf. plus bas, la colonne “section aléa” renvoie une nouvelle valeur aléatoire à chaque modification du fichier). Lors du premier test, nous faisons le comptage sur 3 cases par unité-grille afin d'obtenir un résultat rapide en extrapolant à l'ensemble de la grille. Dans le cas présent, ce total est évalué à 12 446. Pour gagner en précision, il est simple, après la manifestation, de recompter en portant l’échantillon à 5 ou 10 cases par grille, voire à la totalité.

 

On évalue ensuite le nombre de personnes ayant participé à la manifestation mais ayant échappé à cette première phase de comptage. Elles y ont échappé pour trois raisons principales :

- Certaines ont participé uniquement à une autre phase de la manifestation, le plus souvent le rassemblement initial. Il est important d'être conscient que le résultat qui sera donné ne tient pas compte de celles-là et est donc un peu en-dessous de la réalité.

- D'autres, essentiellement sur les côtés du cortège, ont circulé nettement plus vite que la moyenne et ont franchi la totalité de la grille pendant une unité-grille.

- D’autres, enfin, se sont éloignées du cortège et de la grille par le côté, ou sont directement passées par une voie extérieure, en l’occurrence le parking situé en haut des images. Ce problème n’est bien entendu pas aussi présent pour chaque parcours de manifestation.

Pour évaluer le poids des deux derniers cas de figure, nous réalisons une observation détaillée de dix moments choisis aléatoirement dans la vidéo. Nous y comptons à chaque fois, sur une unité-grille, le nombre de personnes échappant à la manifestation par les côtés, doublant nettement les autres, ou passant à l’extérieur de la grille. Leur effectif limité permet un comptage manuel relativement facile. De la même façon, nous extrapolons et arrivons ici à un total de 7 040. Là encore, il est possible de faire varier le nombre de vérifications faites.

Un résultat transparent


Additionnant les deux totaux et comptant une marge d’erreur de 10 % nous pouvons situer le nombre de manifestants entre 17 500 et 21 400. Dans le cas présent, notre résultat rejoint le comptage réalisé par la police (20 000).


Outre sa fiabilité, la principale force de notre approche est sa transparence. Nous mettons notre méthode à l'épreuve : quiconque le souhaite peut effectuer un recomptage, voire participer à notre travail, en s’appuyant sur nos captures et en les rapportant à notre fichier de comptage.